La question des dettes des époux est récurrente. Qui doit payer ? Est-ce que les dettes contractées par l’un des époux engagent l’autre ?
Maître Guillaume ALLAIN, avocat en droit de la famille, vous apportent quelques éléments de réponse.
Tout d’abord, il convient d’évoquer les dettes ménagères, qui sont celles qui sont dues par les deux époux quand bien même elles n’auraient été engagées que par l’un des époux (article 220 du Code civil). Les dettes ménagères sont celles qui sont issues de contrats ayant pour objet l’entretien du ménage (vêtements, aliments, etc…) ou l’éducation des enfants. Ces dettes ménagères engagent les deux époux solidairement, c’est-à-dire que le créancier peut demander le paiement de cette dette en totalité à l’un ou l’autre des époux, et ce quel que soit le régime matrimonial des époux. Même si les époux sont mariés sous le régime de la séparation de biens, le créancier peut, s’il possède un titre exécutoire (c’est-à-dire un jugement condamnant l’époux débiteur à lui payer sa créance), saisir les gains et salaires du conjoint qui n’a pas engagé cette dépense, et même tous les biens de ce dernier.
Cependant, afin de protéger le conjoint non débiteur, des limites ont été posées. L’article 220, alinéa 2, du Code civil dispose : “La solidarité n’a pas lieu, néanmoins, pour des dépenses manifestement excessives, eu égard au train de vie du ménage, à l’utilité ou à l’inutilité de l’opération, à la bonne ou mauvaise foi du tiers contractant.” Maître Guillaume ALLAIN analysera avec vous les dettes contractées par votre époux et la possibilité d’invoquer ces limites à la solidarité.
Au cas où les époux sont mariés sous le régime légal de la communauté, ces dettes ménagères incombent définitivement à la communauté (art. 1409 du Code civil). Ainsi, l’époux, qui seul a pris en charge ces dettes ménagères, aura droit à récompense sur la communauté. Cela signifie qu’il pourra s’en faire rembourser la moitié par son conjoint.
Les autres dettes nées du chef des époux. Chacun des époux engage par ses dettes ses biens propres et les biens communs à l’exception des gains et salaires du conjoint (art. 1414 du Code civil). Cependant, les gains et salaires des époux mariés sous le régime de la communauté ne sont pas tant protégés que cela, puisque l’alinéa 2 de l’article 1414 du Code civil ajoute : “lorsque les gains et salaires sont versés à un compte courant ou de dépôt, ceux-ci ne peuvent être saisis que dans les conditions définies par décret.” Le décret concerné précise que les gains et salaires sont insaisissables mais uniquement dans un plafond correspondant à un mois du salaire du conjoint non débiteur. Ainsi, lorsque l’huissier pratique une saisie, il est obligé de laisser sur le compte du conjoint une somme équivalent à un mois de salaire, mais il peut saisir tout le reste.
Il convient donc de bien comprendre que tout le mobilier commun des époux (acheté pendant le mariage) peut être saisi du fait d’une dette contractée par un seul des époux.
Dans le souci de réduire les risques financiers, chacun des époux ne peut engager les biens communs par un cautionnement ou un emprunt conclu sans le consentement exprès de son conjoint. A défaut de ce consentement, l’époux n’engage que ses biens propres et ses revenus (art. 1415 du Code civil). Les créanciers ne pourront pas saisir un bien commun ou les revenus du conjoint non débiteur.
Il convient de préciser que ces dettes contractées par un seul des époux, et engageant la communauté, peuvent être des dettes privées ou professionnelles.
Ces dettes sont à la charge de la communauté de manière définitive. Cependant, elles peuvent parfois donner lieu à récompense, c’est-à-dire que l’autre époux pourra être remboursé de la moitié lors du partage de la communauté. C’est notamment le cas lorsqu’une dette a été contractée dans l’intérêt personnel d’un époux, ou pour l’acquisition, la conservation, l’amélioration d’un bien propre (art. 1416 du Code civil). Par contre, les dépenses permettant l’entretien d’un bien propre restent des charges de communauté de manière définitive.
Un point particulier : la faute de gestion du conjoint. Elle peut être invoquée pour échapper aux dettes contractées par votre conjoint ou pour obtenir des dommages et intérêts.
Par exemple : a été jugé que devaient figurer au passif personnel de l’épouse les 25 prêts à la consommation souscrits par elle, portant, outre sa signature, celle, imitée, de son conjoint, qui avait été laissé dans l’ignorance de l’accroissement des dettes, et alors que l’épouse ne donnait aucune explication quant à l’objet et l’utilisation de ces nombreux prêts (Cass. Civ. 1, 14 mars 2012, n°11-15.369). Dans ce cas, l’époux victime peut ainsi échapper aux tentatives de poursuite des créanciers.
Autre exemple : l’époux qui a mal géré le patrimoine commun (comme la société commerciale qu’il dirige mais qui est la propriété de la communauté) et qui a déposé le bilan tardivement, peut solliciter des dommages et intérêts à hauteur du préjudice subi. Mais attention, ces dommages et intérêts seront alloués à la communauté, et donc reviendront pour moitié à l’épouse (Cass. Civ. 1, 1er fév. 2012, n°11-17.050).
Maître Guillaume ALLAIN, avocat à POITIERS en droit de la famille, fera le point avec vous pour vous permettre de préserver vos intérêts financiers et patrimoniaux.